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Yves-François Blanchet ne voulait pas d’élections, mais y voit une chance de renforcer la présence du Bloc

Écrit par Ben Cousins, CTV News | Traduction

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

TORONTO — Le Bloc québécois et son chef Yves-François Blanchet ne voulaient peut-être pas d’élections, mais la campagne actuelle offre une occasion de renforcer la position du parti s’il peut tenir tête aux libéraux.

Le Bloc, troisième parti en importance avec 32 sièges remportés en 2019, détenait un pouvoir non négligeable depuis deux ans à la Chambre des communes.

Le parti a aidé les libéraux à faire adopter de nombreux projets de loi, incluant ceux sur l’aide médicale à mourir, l’écoute de contenu en ligne et les mesures d’aide d’urgence pendant la pandémie de COVID-19.

Depuis deux ans, le parti a aussi fait adopter le projet de loi 96, qui octroie essentiellement au premier ministre du Québec, François Legault, le pouvoir de modifier sa constitution et de faire du français la langue officielle de la province.

«Je suis très fier de notre travail. Dans des conditions très difficiles, alors que peu d’espace restait aux partis d’opposition pourtant essentiels à la démocratie même en temps de pandémie, le Bloc s’est montré constructif, contribuant au bien commun à la condition que ce soit bon pour le Québec, en se méritant la confiance des Québécois», écrit le chef bloquiste dans une entrevue menée par courriel.

Devant le succès qu’a connu son parti lors des dernières élections, M. Blanchet croit que les autres partis ont dû en tenir compte et que le Québec en sort gagnant.

«Le retour en force du Bloc québécois a contraint les partis canadiens et le parlement à se repositionner de façon moins défavorable au Québec», observe-t-il. «Leur amour soudain pour le français ou la reconnaissance de la nation québécoise, une meilleure gestion des frontières ou encore la protection de l’aluminium, en sont des signes éloquents.»

«À défaut d’être sincères, ces gestes ont le mérite de s’expliquer par la présence d’un Bloc qui fait des propositions claires, valables, et toujours dans le sens de ce qui est bon pour le Québec», poursuit le chef bloquiste.

Mais malgré tout le succès que semble connaître sa formation politique, Yves-François Blanchet ne voulait pas d’élections fédérales et il n’a pas hésité à exprimer ses inquiétudes face à une campagne électorale en pleine crise sanitaire.

De plus, M. Blanchet fait remarquer qu’un gouvernement minoritaire peut être profitable pour les Québécois.

«Clairement, les Québécois ne souhaitent pas d’élections. Un gouvernement minoritaire doit s’entendre avec les oppositions: c’est la volonté des électeurs. Le Bloc ne demande pas d’élections, mais, quel que soit le contexte, nous serons là pour servir nos gens», assure-t-il.

L'optimisme retrouvé avec Blanchet

Né à Drummondville, Yves-François Blanchet a travaillé d’abord comme enseignant, puis dans l’industrie musicale avant de se lancer en politique active. Il a notamment fondé la firme de gestion d’artistes YFB Inc. et a été président de l’ADISQ de 2003 à 2006.

Il s’est d’abord fait élire en politique provinciale au sein du Parti québécois, en 2008. Lorsque le parti dirigé par Pauline Marois accède au pouvoir en 2012, il devient ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs.

M. Blanchet passe en politique fédérale en janvier 2019 lorsqu’il est élu par acclamation à la tête du Bloc québécois, alors moribond après avoir vécu plusieurs bouleversements.

Le parti venait de se débarrasser de sa cheffe précédente, Martine Ouellette, à la suite de la désertion de sept des dix députés aux Communes. Ces derniers étaient en désaccord avec la position de Mme Ouellette, qui voulait insister sur la promotion de l’indépendance du Québec plutôt que sur la défense des intérêts de la province.

«Je crois que le Bloc était perçu comme un parti en naufrage, mais Blanchet s’est révélé comme un candidat très attirant», analyse le professeur associé de la faculté de science politique de l’Université McMaster Peter Graefe.

«Il était éloquent. Il avait en quelque sorte une approche plus moderne avec le Bloc. Ce n’était pas Gilles Duceppe qui menait les mêmes vieilles batailles, c’était plutôt de dire: “Je vais me tenir debout pour les intérêts du Québec parce qu’ils ne sont toujours pas bien défendus.”» décrit le politologue.

Au cours de la campagne de l’automne 2019, Yves-François Blanchet et le Bloc ont remporté 32 des 75 sièges du Québec. Dans la foulée, la formation a récupéré son statut de parti officiel et a délogé le NPD en tant que deuxième opposition à la Chambre des communes.

Peter Graefe note que le Bloc a émergé aux yeux de nombreux électeurs québécois comme étant la seule véritable option possible.

«Il y avait une sorte de vide dans le système politique québécois, observe l’expert. Il y a une foule d’électeurs qui ne voteront jamais pour le Parti libéral, mais lorsqu’ils lorgnent du côté du NPD, pour qui ils avaient possiblement voté en 2011, ils ne se retrouvaient pas vraiment avec Jagmeet Singh et Andrew Scheer n’était pas non plus un leader politique très attirant. Je veux dire, son français n’était pas très bon et il semblait véritablement déconnecté sur de nombreux enjeux chers aux Québécois.»

«Soudainement, le Bloc était un parfait refuge nationaliste par défaut pour ces électeurs», résume-t-il.

Face-à-face avec les libéraux

Il y a deux ans, le Québec est devenu une course à trois avec le Bloc, mais aussi les libéraux et les conservateurs qui ont remporté plusieurs sièges. Cette fois-ci, Yves-François Blanchet estime que la lutte se fera surtout entre le Bloc et le Parti libéral.

«Le Québec sera en effet un territoire d’intéressants débats, surtout entre les libéraux et le Bloc», avance-t-il.

«Les enjeux seront le type de développement économique que nous voulons pour nos régions, le traitement des aînés, le financement des soins de santé, la langue, les valeurs et l’identité de la nation québécoise (ainsi que) le sérieux et le coût des changements climatiques.»

Peter Graefe s’attend lui aussi à ce que les électeurs du Québec concentrent leur attention sur une lutte à deux. «Je pense qu’on va voir possiblement un peu plus de courses à deux entre les libéraux et le Bloc dans plusieurs circonscriptions», prévoit-il.

«Sur la Rive-Sud de Montréal et à Laval, puis sur la couronne Nord, on va voir plusieurs luttes beaucoup plus serrées entre les deux partis, soutient M. Graefe. On devrait avoir encore des courses à trois à Québec, où le Parti conservateur semble avoir une base plus solide qui devrait assurer à ses candidats de faire bonne figure, même s’ils devaient perdre leur siège.»

Lors des précédentes élections, Yves-François Blanchet avait pour objectif de récolter vingt sièges au Québec, mais en 2021 ses ambitions sont bien plus élevées.

«(Notre objectif est) d’être une voix encore plus fidèle aux aspirations du Québec, résume le chef du Bloc. «Bien sûr, augmenter le nombre de sièges ou même obtenir la majorité des sièges au Québec serait idéal, mais le choix appartiendra aux Québécois.»

Pandémie et affronts

Le politologue Peter Graefe croit que la pandémie de COVID-19 pourrait s’avérer favorable au Bloc québécois.

«La pandémie a probablement eu pour conséquence de recentrer davantage les Québécois sur le Québec qu’ils ne l’étaient en 2019 dans le sens que la population se rassemble autour de leurs dirigeants politiques. Je pense aussi que la différence de la langue a eu pour effet que le gouvernement du Québec est beaucoup plus central dans la vie des gens comparativement à la dernière élection», avance-t-il.

La nomination de Mary Simon à titre de gouverneure générale du Canada pourrait aussi avoir joué un rôle à l’avantage du Bloc, d’après M. Graefe, en raison de la controverse autour du fait qu’elle ne parle pas couramment français. Mary Simon est une Inuk originaire du Nord-du-Québec.

Selon l’expert de science politique, cet exemple peut servir d’argument au Bloc québécois pour marteler le fait que Justin Trudeau ne prend pas au sérieux la protection de la langue française et qu’il ne travaille pas en faveur des Québécois de manière générale.

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