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Opinion: Pour en finir avec la logique coloniale

Opinion: Pour en finir avec la logique coloniale

Crédit : Sean Kilpatrick / La Presse canadienne

Écrit par Alexis Wawanoloath, Noovo Info

Entre 2015 et en 2019, le Parti libéral du Canada a fait beaucoup de promesses envers les autochtones du Canada. Que ce soit pour améliorer l’accès à l’eau potable pour de nombreuses communautés ou l’implantation des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, les espoirs étaient grands et la déception tout autant.

Rappelons-nous de la résistance autochtone au début de l’année 2020, qui a été qualifiée de «blocus ferroviaire» ou même de «crise autochtone». La couverture médiatique s’est intéressée davantage aux effets immédiats de ces actes de protestation plutôt que sur leurs sources véritables, pourtant mis en avant depuis des décennies par les Wet’su’weten et leurs voisins les Gixtat. Dans les années 1980, ils avaient entrepris des négociations afin d’obtenir une entente avec le gouvernement pour la gestion du territoire. 

Après plusieurs années de négociations sans résultat, ces deux nations ont poursuivi les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada. En 1997, la Cour suprême du Canada (CSC) a rendu un jugement mi-figue mi-raisin, dans lequel on reconnaissait certains droits de ces nations ainsi que la validité de leurs preuves, transmises de façon orale… mais sans prendre une décision sur le fond. 

C’est ainsi que la cour a renvoyé les parties à un processus de négociation pour ce qui est de la définition du titre territorial. Plus de 20 ans plus tard, il aura fallu une crise qui est devenue pancanadienne pour que les gouvernements s’assoient et discutent de bonne foi et qu’un accord de principe soit conclu.

Depuis cet épisode de résistance, il y a eu la découverte, au printemps dernier, de milliers de corps d’enfants sur les terrains d’anciens pensionnats indiens. Nous disions, depuis des décennies, que de telles atrocités avaient eu lieu. La Commission de vérité et réconciliation avait parlé d’un génocide culturel. À cette époque, les commentateurs, pour la plupart non-autochtones, avaient davantage débattu de la justesse du terme génocide, plutôt que de faire état des recommandations de cette Commission.

Ceci, en plus des preuves irréfutables du génocide que nous avons subi. Ce génocide que subissons encore selle les conclusions de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Que faire alors pour se sortir de ce régime colonial toujours en cours?

Les jugements de la CSC parlent de concilier les souverainetés de la couronne et celle des nations autochtones. Je me permettrais de parler d’utopie ici.

Alors que le Canada s’apprête à choisir son prochain premier ministre, nous pouvons choisir le statu quo ou choisir de réformer « vraiment » le système actuel.

Personnellement, j’espère un changement constitutionnel. C’est le moyen le plus susceptible de régler cette question en profondeur et durablement. L’ajout d’un nouvel acteur fédéral représentant les gouvernements autochtones de ce pays serait un moyen viable pour redéfinir notre relation entre nations sur le territoire du Canada. Cette option nous permettrait d'avoir la capacité de définir notre identité.

Dans cette redistribution des cartes, en plus d’aménager un réel partage de souveraineté, nous pourrions en profiter pour construire une nouvelle identité constitutionnelle de la société dominante. L'abandon du symbole monarchique nous permettrait de passer d’une souveraineté déléguée par la couronne à une souveraineté partagée entre tous les acteurs fédéraux.

La constitution canadienne est empreinte d’une philosophie libérale, qui place la personne propriétaire, physique ou morale, au centre de sa conception des interrelations. Les États servant si bien les intérêts des compagnies, nous constatons maintenant que ce mode de pensée anthropocentriste menace notre survie même en tant qu’humains sur cette planète ; nous sommes dans la sixième extinction de masse de la terre, l’ère anthropocène, l’ère de l’humain.

Bien que ce puisse être utopique d’espérer des changements constitutionnels, la réconciliation doit être le résultat d’un processus de décolonisation, et non ce processus en tant que tel. Cette décolonisation doit se faire de bonne foi de la part des gouvernements coloniaux, sans l’obsession de l’extinction des souverainetés des nations autochtones.

À l’instar des Wet’suwet’en, nous avons  trop souvent entamé des négociations qui, au final, ont abouti devant les tribunaux. Et il a fallu prendre des actions de désobéissance civile pour nous faire entendre.

La jeune génération autochtone comprend bien la logique coloniale et n’est pas aussi patiente que par le passé. Il n’y aura pas de paix sociale sans justice pour nos nations. Il n’y aura pas de réelle justice sans restitution, et elle devra prendre plusieurs formes, qu’elle soit territoriale, politique, culturelle ou financière, notamment.

Est-ce que les politiciens qui formeront le prochain gouvernement auront l’audace d’agir pour une vraie décolonisation? Laissez-moi en douter. 

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