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Pourquoi le vote obligatoire est-il un succès ailleurs, mais mal accueilli au Canada?

Pourquoi le vote obligatoire est-il un succès ailleurs, mais mal accueilli au Canada?
Écrit par Brooke Taylor, CTV News | Traduction

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

TORONTO — Lors des plus récentes élections fédérales, environ le tiers des électeurs ne sont pas allés voter. Est-ce qu’un vote obligatoire serait la solution au problème du faible taux de participation?

Les lois sur le vote obligatoire n’ont rien de nouveau. La Belgique a adopté la sienne en 1893 pour les hommes et en 1948 pour les femmes. L’Australie a aussi adopté le vote obligatoire en 1924. D’autres États disposent également de lois semblables comme le Brésil, l’Uruguay et le Luxembourg.

«Dans les États, où l’on retrouve des lois sur le vote obligatoire, celles-ci font tout simplement partie du paysage normal. En Australie, environ 70 % de la population est d’accord avec cette loi. Il s’agit d’une institution politique très populaire et largement répandue. Ce n’est vraiment pas très controversé», décrit le théoricien politique et professeur de l’Université Murray State au Kentucky, Kevin Elliott.

En Australie, les choses se déroulent assez rondement un jour de scrutin. Les citoyens doivent se rendre aux urnes. S’ils n’y vont pas, ils vont recevoir une lettre, explique le professeur Elliott.

«Vous pouvez alors renvoyer une lettre pour justifier votre abstention en disant que vous étiez à l’extérieur de la ville, que vous vous occupiez de votre enfant malade ou quoi que ce soit d’autre», poursuit-il.

Si la plupart du temps, ces justifications sont suffisantes, il se peut tout de même que certains électeurs reçoivent des amendes entre 20 et 50 dollars australiens.

Plus de 90 % des Australiens aptes à voter se sont rendus aux urnes lors des élections de 2019. Selon M. Elliott, les taux sont constamment très élevés dans ce pays.

«L’Australie a l'un des meilleurs droits de vote et l'un des plus hauts taux de participation dans le monde, s’élevant régulièrement au-dessus des 90 %. Cela est plutôt stable depuis qu’ils ont adopté la loi en 1924», mentionne l’expert.

Au Canada, lors des élections fédérales de 2019, le taux de participation n’a atteint que 67 %. Un taux en baisse par rapport à celui de 68,3 % enregistré en 2015, mais un peu plus élevé que celui de 61,1 % enregistré en 2011.

Sur son portail web, Élections Canada reconnaît le succès obtenu en Australie avec le vote obligatoire, mais l’organisme rappelle que le droit de vote au Canada est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés et qu’une obligation pourrait être mal perçue au Canada.

En 2014, en réaction au faible taux de participation, les libéraux ont jonglé avec l’idée d’instaurer le vote obligatoire et ont commandé un sondage afin d’évaluer si un tel projet pourrait intéresser les Canadiens, mais rien n’a finalement été adopté. En 2017, les libéraux ont clairement fait savoir qu’ils n’imposeraient pas le vote obligatoire à la suite d’un sondage portant sur une éventuelle réforme du mode de scrutin. Les résultats ont démontré qu’une réforme du mode de scrutin serait bien accueillie par les Canadiens, mais 53 % des répondants ont dit s’opposer au vote obligatoire.

Plus récemment, le chef conservateur Erin O’Toole a déclaré lors d’une assemblée virtuelle, en avril dernier, qu’il observait la manière dont le vote obligatoire se déroule en Australie et qu’il s’interroge à savoir si cela pourrait être applicable au Canada.

«Je crois que c’est un devoir citoyen que l’on doit encourager. Je vais surveiller de près ce que fait l’Australie, je crois qu’il y a plusieurs choses que l’on peut faire pour renforcer la confiance des gens», a-t-il mentionné.

Quand La Presse Canadienne a demandé à Erin O’Toole de préciser sa pensée sur le vote obligatoire quelques semaines plus tard, il a répondu par écrit: «Voter est un droit protégé par la Constitution et un important pilier de notre démocratie. Les conservateurs du Canada vont toujours se tenir debout pour défendre le droit des Canadiens de voter dans notre système électoral».

Selon Élection Canada, le vote obligatoire entraîne en moyenne une hausse du taux de participation de 20 %, ce qui propulserait le taux actuel au pays dans les 80 % avancés.

D’après le professeur Kevin Elliott, environ 70 % des Australiens soutiennent le vote obligatoire notamment parce qu’ils comprennent le raisonnement logique derrière la mesure.

«Ils reconnaissent que les personnes marginalisées sont très susceptibles de ne pas aller voter, comme les gens qui sont très occupés et les personnes défavorisées. Alors, ils reconnaissent que l’obligation de voter est une façon de s’assurer que leur vote compte. Ce qui ne serait peut-être pas le cas autrement», développe-t-il.

Un autre facteur qui explique le succès du système australien, c’est sa longévité. Le vote obligatoire a été instauré presque en même temps que le droit de vote lui-même. La première élection australienne a eu lieu en 1901 et le vote obligatoire a été imposé dès 1924.

Si certaines personnes peuvent se sentir inconfortables par l'obligation de voter, Kevin Elliott rappelle que ce qui est obligatoire, c’est de se rendre aux urnes.

«Vous demeurez parfaitement libres de voter pour qui vous voulez ou même de ne pas voter du tout, précise-t-il. Tout ce que la loi vous demande de faire, c’est de vous présenter au bureau de vote.»

Par ailleurs, le théoricien politique mentionne que la loi oblige les Canadiens à accomplir des choses bien plus complexes que de se présenter à un bureau de vote un jour d’élection.

«Le devoir de juré par exemple, est un engagement bien plus lourd que de se rendre au bureau de scrutin, mais tout le monde reconnaît que c’est un devoir de citoyen important alors on ne s’en fait pas plus que ça», conclut-il.

– Avec La Presse Canadienne.

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