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Environnement : la grande contradiction canadienne

Environnement : la grande contradiction canadienne

Crédit : Adrian Wyld / La Presse canadienne

Écrit par Claudel Pétrin-Desrosiers, Noovo Info

Lors du débat des chefs en français du 8 septembre dernier, il y a eu un semblant d’unanimité sur un dossier : les chefs s’entendaient pour dire qu’aucun d’entre eux n’allait imposer la construction d’un oléoduc sur le territoire québécois. Le cœur de ce segment s’est centré sur l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et d’une certaine façon, de travailler de concert avec le secteur des énergies fossiles, notamment en réponse à la question du jeune Charles Leduc.

La journée même, une étude publiée dans la prestigieuse revue Nature, avait conclu que le Canada devrait garder pas moins de 84% de ses réserves de pétrole dans le sol, pour espérer limiter le réchauffement planétaire global à 1,5ºC d’ici 2050.

Et plus tôt dans la semaine, un éditorial publié simultanément dans plus de 220 revues médicales partout sur la planète (du jamais vu!) écrivait que les nations les plus riches, comme le Canada, devaient faire plus et plus rapidement pour limiter le réchauffement climatique et restaurer la nature, de manière à protéger la santé humaine, soulignant que les promesses politiques actuelles étaient insuffisantes.

Ceci rappelle le rapport alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en août dernier. La conclusion scientifique était claire : il est fort probable que le monde dépasse ce fameux 1,5ºC aussi rapidement qu’en 2030.

Mais bon, revenons au fameux débat. Après une discussion où l’urgence de la situation climatique ne s’est finalement jamais transposée à l’écran, certains éléments pourtant clés de la lutte aux changements climatiques ont été oubliés, comme l’adaptation, la protection des milieux naturels et les subventions octroyées au secteur des énergies fossiles. Ceci laisse entrevoir une vision simpliste des politiques climatiques requises, une posture dangereuse pour la santé et la sécurité publique sur le court, moyen et long terme.

Le lendemain, lors du débat des chefs en anglais, la scène était tout autre, révélant des grandes contradictions au sein du Canada. D’abord, le chef du Parti conservateur du Canada, Eric O’Toole, a refusé de réitérer ce qu’il avait dit la veille dans le débat en français concernant la construction d’oléoducs au Québec. Il faut dire qu’une des questions qui a lancé le segment était habitée d’une logique hautement contestable : que la transition énergétique du pays dépend justement des oléoducs.

Sur ce point, le Parti libéral du Canada est lui aussi habité par certaines contradictions, tout comme le Nouveau Parti démocratique. Le premier, alors au gouvernement, a déclaré l’urgence climatique, et le lendemain, a approuvé l’achat de l’oléoduc Trans Mountain. Le deuxième dit être contre Trans Mountain, mais refuse de s’engager à le fermer, s’il est porté au pouvoir.

Les orientations du Bloc québécois peuvent sembler plus claires : opposition à tout nouveau projet d’exportation de pétrole issu des sables bitumineux et fin des subventions aux énergies fossiles. Toutefois, ce parti a lui aussi été habité par certaines zones d’ombre, refusant, par exemple, de se positionner clairement sur GNL-Québec avant que le rapport décisif du BAPE soit publié. L’argument? Qu’il n’est pas de son devoir de s’immiscer dans les affaires provinciales.

Quant au Parti vert du Canada, avec l’été climatique que nous avons vécu, il aurait été bien de le voir en plus grande forme. Malheureusement, le manque d’unité à l’interne du parti mine sa crédibilité et le rayonnement de ses propositions.

Il ne reste que quelques jours avant la fin de cette campagne électorale. L’analyse de 300 000 utilisateurs de la Boussole électorale, un outil de Radio-Canada, révèle plusieurs divisions au sein du pays, les électeurs québécois désirant globalement des politiques climatiques plus ambitieuses. Par exemple, 62,3% d’entre eux estiment que le pays devrait faire beaucoup plus d’efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, contrairement à la moitié des électeurs (49,7%) ailleurs au Canada.

La réconciliation de ces contradictions environnementales, présentes « coast to coast » devra être centrale dans l’action de tout prochain gouvernement, si nous désirons être le moindrement sérieux et à la hauteur du défi auquel nous sommes confrontés.

Un bon coup de la campagne

Un mauvais coup de la campagne

Pour poursuivre la réflexion…

  • Le Parti libéral du Canada s’est vanté à plusieurs reprises durant les débats d’avoir le meilleur plan environnemental, s’appuyant notamment sur l’analyse de Mark Jaccard, un économiste et professeur à l’Université Simon Fraser. Plusieurs journalistes et commentateurs ont repris le même discours. Cependant, l’analyse de Jaccard est fautive sur plusieurs points, comme le démontre Seth Klein, une voix bien connue du mouvement environnemental.

Dre Claudel Pétrin-Desrosiers est médecin de famille, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, et collaboratrice à l’émission Le Fil sur les ondes de Noovo Info. Les propos exprimés dans ce texte n’engagent que l’auteure et ne correspondent pas nécessairement à ceux des organisations auxquelles elle est affiliée. 

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