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Les élections: un ingrédient de plus dans le cocktail de la désinformation

Les élections: un ingrédient de plus dans le cocktail de la désinformation
Écrit par Camille Lopez, Noovo Info

Au Canada, les théories du complot nées après l’élection de Joe Biden et l’accumulation d’un an et demi de fausses nouvelles sur la pandémie de COVID-19, ont trouvé leur place dans la campagne fédérale.

Quand les premières rumeurs d’une élection fédérale sont arrivées à mes oreilles, les deux dernières années ont défilé devant mes yeux. Je suis vérificatrice de faits, et la lutte contre la désinformation autour de la pandémie me tient déjà plus qu’occupée. Ajoutez à ça la mise en place du passeport vaccinal et la prise de Kaboul par les talibans, et vous obtenez le cocktail à fausses nouvelles parfait. Alors une élection, en plus de tout ça… amenez le café!

Je me doutais bien qu’on ne vivrait pas une campagne électorale ordinaire. Vous aurez sans doute remarqué que les opposants au gouvernement semblent plus déterminés que jamais. Que l’intégrité même du processus électoral est remis en question. Et que, en général, les gens sont plus crinqués que jamais, surtout sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas un hasard, mais bien la somme d’un an et demi de polarisation, amplifiée par la désinformation, avec des relents de réactions violentes engendrées par les élections américaines de 2020.

Je m’explique.

En juillet, le Centre de la sécurité des télécommunications du gouvernement du Canada a mis à jour son rapport sur les Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada. Et si le Canada n’est pas vraiment à risque d’ingérence étrangère, l’organisation fédérale identifie un danger bien réel : les fausses nouvelles sur la pandémie.

«Les auteurs de menace ont exploité et amplifié les faussetés sur la pandémie de COVID-19 pour miner la confiance dans les élections», peut-on lire dans le rapport.

C’est pas mal ce qui est arrivé. L’influence de la pandémie sur l’élection est inévitable. Vous aurez entendu tous les vérificateurs de faits de la planète affirmer qu’on a jamais vu autant de fausses nouvelles sur un seul et même sujet. et depuis mars 2020, les opposants aux mesures sanitaires entretiennent un discours parfois violent envers les gouvernements.

Désormais les internautes en viennent à demander l’exécution de Justin Trudeau, par exemple. À créer des montages montrant le premier ministre pendu ou décapité. Ce même montage qu’on a pu voir sur des affiches lors des manifestations contre le vaccin ou le passeport vaccinal. On comprend donc que les discours tenus en ligne ont fini, juste à temps pour la campagne électorale, par sortir du Web.

«[Trudeau] va comprendre quand il sera jugé et pendu pour ses crimes», écrit par exemple un internaute qui s’oppose au passeport vaccinal. 

On observe donc des actions de plus en plus extrêmes. Des manifestations qui ne se tiennent pas juste dans la rue, mais devant les hôpitaux et les écoles, par exemple. Sur les affiches des manifestants, on peut lire des théories complètement fausses qui sont nées sur le Web. Des groupes suivent les partis, harcèlent les politiciens et leur crient des insultes. Récemment, Justin Trudeau a dû annuler un de ses rassemblements à Toronto pour des questions de sécurité.

Allégations de fraude électorale

On ressent aussi les effets des théories du complot nées après la défaite de Donald Trump en 2020, au États-Unis. Après l’annonce de l’élection de Joe Biden, l’ancien président et ses partisans ont accusé les démocrates de fraude électorale.

Patrick Semansky / Associated Press

Au Canada, les opposants aux mesures sanitaires et certains partisans des plus petits partis, du  Parti populaire du Canada (PPC) ou même du Bloc québécois, parlent de trucage, de fraude, de dés pipés.

En gros, on met déjà la table pour une éventuelle défaite du parti qu’on soutient. Et je prédis qu’après le dévoilement du scrutin, ces allégations vont monter en flèche.

Maxime Bernier, le chef du PPC, a tout sauf accusé Élection Canada de fraude électorale, sur son compte Twitter le 10 septembre, après avoir remarqué que le nom d’un de ses candidats n’apparaissait pas sur un bulletin de vote. Il s’agissait d’une erreur, selon des explications de l’organisme de régulation du scrutin.

«La fraude électorale n’existe pas au Canada, donc, Élections Canada?», a-t-il publié.


Depuis le début de la campagne, des internautes s’encouragent à amener leur propre stylo pour voter, et non d’utiliser le crayon de plomb fourni par les employés du bureau de vote. Parce que, selon eux, les employés peuvent modifier ou effacer leur vote.

On remet aussi en question la fiabilité du vote par la poste, on conseille aux gens de prendre leur bulletin en photo et on demande aux électeurs de «surveiller de près» les employés d’Élection Canada.

Tout ça, c’est pas mal un calque de ce qui s’est dit aux États-Unis après l’élection de Joe Biden.

La désinformation peut avoir plusieurs impacts, notamment sur notre santé ou sur les préjugés qu’on a envers les autres. Pendant une élection, la désinformation est surtout utilisée pour polariser. Pour faire en sorte que dans notre tête, tout est noir ou blanc. Nous, contre le reste du monde. Et disons qu’on le ressent vraiment cette année.

Camille Lopez est journaliste indépendante spécialisée en culture numérique et en vérification des faits. Elle est également collaboratrice à Noovo le Fil. 

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